Publié le jeudi 12 octobre 2017

Journaliste : qu’est-ce qui ne va pas chez toi ?

Maintes fois critiqué, ô combien détesté, comment le métier de journaliste peut-il susciter à la fois l’envie et la méfiance ? Une dualité que retranscrit à merveille Benjamin Bousquet dans son premier ouvrage, Journaliste : l’ennemi qu’on adore.

Certains diront qu’il est difficile d’écrire sur une profession que l’on exerce depuis seulement quelques années. Pourtant, fort de 5 années d’expérience en France, à Montréal, New York et au Maroc, Benjamin Bousquet présente dans son premier essai ce métier qu’il aime tant, décrivant aussi bien ses travers que ses qualités. Un état des lieux simple et cohérent, qui « invite au débat ». Les journalistes sont-ils les seuls responsables ou bien le grand public a-t-il aussi sa part de responsabilités ? « Malgré des conditions difficiles (coupes budgétaires, de plus en plus de barrières), 99 % des journalistes sont des gens font leur travail honnêtement », estime ce jeune journaliste de 27 ans.

Le début de l’ouvrage est plutôt austère. L’auteur passe en revue les différentes critiques qu’essuient les journalistes : les médias sont détenus par de riches entrepreneurs et ne sont donc pas impartiaux, ils nous manipulent, ils sont « tous pourris ». Benjamin Bousquet avoue qu’il est difficile de faire preuve d’une objectivité totale et qu’on ne peut pas parler de tout dans certains journaux. « Cela fait partie des concessions à faire. »

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La mode du tout commenté

L’auteur regrette surtout que le public fasse aujourd’hui l’amalgame entre éditorialiste et journaliste. « Les journalistes ne sont pas comme ces trois ou quatre personnes en cravate sur un plateau TV, qui n’ont jamais traversé le périphérique mais qui passent la journée à tout commenter. » Il prévient les jeunes journalistes de ne pas tomber dans le même piège de ces « Parisiens embourgeoisés » : « Faites en sorte de raconter le monde tel qu’il est et non pas tel que vous voudriez qu’il soit. » En exemple, il raconte son séjour au Nigeria dans le cadre d’un reportage. « Je n’étais pas prêt psychologiquement à découvrir cet état de guerre. Je suis pourtant allé jusqu’au bout car mon métier ne me permet pas de fermer les yeux sur la réalité. »

Infotainment ou sujets de fond ?

Loin de la guerre dans les pays africains, qui ne s’est jamais plaint de découvrir en Une des journaux les éternels reportages sur la neige fraîchement tombée ? Autrefois, les JT ouvraient pourtant sur des longs sujets de fonds, abordant par exemple la guerre en Palestine. Que s’est-il passé entre temps : « Les téléspectateurs se sont lassés et ont désertés les JT. Pour répondre aux attentes de leur public, les journalistes se sont alors tournés vers des thématiques plus populaires », explique Benjamin Bouquet. Résultat : les journaux sont à la recherche du buzz, celui qui fera le plus de vues et donc d’argent. C’est ainsi qu’on retrouve Nabilla, star de la télé-réalité, en invité du Grand Journal…

Pour revenir à du contenu de qualité, le jeune journaliste propose de résoudre une triple équation : « Le grand public doit arrêter d’être contradictoire en annonçant qu’il préfère les programmes d’Arte tout en regardant les émissions d’Hanouna ; les directions des médias doivent prendre des risques en commandant des formats longs et les journalistes doivent continuer à bien faire leur métier. » Reste à savoir si le public sera réceptif à cet effort.

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Le défi du fact-checking

Autre défi de taille à relever pour les journalistes d’aujourd’hui : déconstruire les fausses informations. Parce que « les médias nous manipulent », de nombreux sites de désinformation et de fake news ont vu le jour, notamment pendant cette année électorale aux Etats-Unis et en France. « Désormais, les journalistes parlent de choses qui ne se sont pas passées ou qui n’ont pas été dites », constate avec humour l’auteur. C’est ainsi que l’on voit apparaître des outils de vérification d’information comme Désintox ou encore les Décodeurs. En parallèle, Benjamin Bouquet estime que le public n’est pas assez averti et doit être « éduqué aux médias » à travers notamment des cours au collège et au lycée. Il s’agirait alors d’expliquer le fonctionnement des réseaux sociaux et apprendre à différencier les vraies informations des fausses.

Une déclaration d’amour au journalisme

Le journaliste termine son essai par une note plus optimiste et incite à ne pas abandonner, même si les débuts peuvent être difficiles. « Le journalisme est l’un des plus beaux métiers du monde. Je peux partir en reportage au cœur d’un bidonville le lundi et faire l’interview d’un homme politique le lendemain. Tous les métiers n’ont pas le luxe d’avoir des activités aussi diversifiées. » Il rappelle les deux sentiments qui l’ont poussé à exercer ce métier : la curiosité et l’égoïsme. « La curiosité car j’ai envie de découvrir le monde dans son ensemble. L’égoïsme parce qu’il y a, je pense, dans l’âme de tous les journalistes, cette envie de savoir avant les autres. »

Son ultime conseil avant de clore l’interview :

« Ne vous découragez pas si vous avez l’impression que vos articles n’ont aucun impact. Il suffit qu’un de vos papiers change la vie d’une seule personne pour que ce soit un succès ! » A bon entendeur.

Mélodie Moulin